Heinz Cibulka   fotografische arbeiten / photographic works interdizipinäre arbeiten / interdisciplinary work digitale bildcollagen / digital collages publikationen / publications texte / texts biografie / biography

... texte | texts

|| menu ||

 


Lucien Kayser

La photographie dans tous ses états

 

in: Heinz Cibulka – Bildgenerationen, 2002



Les cimaises du Tunnel, lieu d’exposition de la Banque et Caisse d’Epargne de l’Etat qui s’étire sur quelque deux à trois cents mètres, seront un espace idoine pour déployer l’oevre photographique multiple et divers de Heinz Cibulka (en septembre et octobre 2002). En effet, plusieurs lectures pourront se chevaucher, les démarches de l’artiste se juxtaposeront, les thèmes ou sujets se succéderont librement et jusqu’aux techniques ne manqueront de suprendre le regard des visiteurs.

On peut lire en premier l’œuvre de Heinz Cibulka dans son dèroulement chronologique, dans sa facon de prendre au long d’une trentaine d’années une ampleur certaine. Et de nombreux prix ont assez vite témoigné de la reconnaissance faite à l’artiste autrichien ; Pour lui, le proverbe qui veut que nul ne soit prophète en son pays n’a guère valu, d’autant moins qu’il s’est fait dès ses premiers travaux le chantre inspiré, dans ses « Bildgedichte », de son environnement direct, de telles régions d’Autriche, autour de Vienne, avant de donner des images tout aussi significatives de tels séjours à l’étranger.

Heinz Cibulka a été très tôt lié à l’actionisme viennois et particulièrement à Hermann Nitsch et son Orgien-Mysterien-Theater. Il en a été un acteur privilégié, est devenu après avec toute une équipe son documentaliste, reporter photographe, mais au bout il y a des photographies qui ont leur autonomie, qui tout en faisant revivre les « Aktionen » ont leur vie propre, savent en tout cas faire passer une émotion, une intensité physique et psychique.

Il y a chez Heinz Cibulka une acuité de la vision qui s’allie heureusement à une poésie de l’esprit. Voilà pour les qualités du photographie qui se trouvent aujourd’hui, depuis les années quatre-vingt-dix, élargies, voire transcendées dans les travaux numériques, telles compositions qui permettent grâce à l’ordinateur toutes sortes de manipulations, au service d’un acte créateur de plus grande envergure. Et notre artiste brasse et embrasse alors des pans entiers d’histoire, des étendues géographiques, s’aventure dans des pays lointains comme le Mexique ou la Chine.

On voit que l’oevre de Heinz Cibulka invite à d’autres entrées que celle donnée par la chronologie, d’autres points de vue s’avèrent non moins intéressants, plus instructifs. On ira par exemple de l’intime geste du photographe traditionnel (analogique) à l’invention de la démarche numérique, et une même extension se retrouve dans les thèmes, dans les sujets. On s’attardera aux photographies autour de Hermann Nitsch, où l’éventail est large, un arc se tendant de l’Aktion Staedel-Schule, à Francfort, en 1980, au Sechs-Tage-Spiel, Gesamtkunstwerk d’un genre nouveau, à Prinzendorf, en août 1998.

La photographie de Heinz Cibulka, son art, vit de pareil va-et-vient, mouvements alternatifs d’un cœur qui bat. Il y a bien sûr aussi le côté pictural, qui a fait évoquer à Nitsch, le compagnon de route et l’ami de toujours, une parenté brueghélienne. Tournons-nous pour conclure d’un autre côté, musical celui-là, ce qui n’étonnera pas pour cet artiste autrichien. Avec d’une part, la forme plus réduite, lyrique, d’autre part, le développement de la forme, quasi symphonique ; et les noms qui s’imposent aussitôt vont de Schubert à Mahler. Au-delà, Heinz Cibulka a su conjuguer le plus authentique enracinement et un cosmopolitisme de bien belle ouverture.


| top |